LES ANCIENNES CHARGES
(1ère partie) Introduction
La démarche spirituelle de la Franc-Maçonnerie traditionnelle est définie par le symbole bien connu de la “construction du Temple”.
Elle place, d’une manière particulière, l’homme en face de ses Obligations envers le Créateur. Cette manière particulière est l’exercice du Métier de Maçonnerie, “ Métier Sacré ” pour réaliser l’œuvre de Dieu au plan de la création. Dieu est Créateur et Ordonnateur de tout ce qui mène à la vie.
Œuvrer, c’est prolonger, imiter l’action divine qui sans cesse crée le monde.
Cette règle s’enracine dans une filiation traditionnelle qui assigne à la Maçonnerie un rôle spécifique dans l’économie générale de la création. Si les anciens Maçons, constructeurs de Cathédrales, avaient pour objectif de mettre en ordre la matière selon les normes de la géométrie pour l’ordonner à la gloire de Dieu, ceux d’aujourd’hui ont pour vocation d’œuvrer au moyen des outils traditionnels, sur la pierre vivante qu’ils sont eux-mêmes, pour construire le temple spirituel destiné à porter la création divine à son parachèvement, à sa perfection.
Ordre et Alliance (Villard de Honnecourt, n° 18).
“L’initiation maçonnique concerne donc le plan de la création. Sa méthode est fondée sur l’architecture et la géométrie. Dieu a déposé dans le cœur d'Adam la science de la géométrie (Anderson) afin que ses descendants puissent percevoir l’harmonie du monde et sa magnificence ”.
L’objectif de l’Ordre Maçonnique de Tradition est double :
- transmettre virtuellement l’initiation par degrés pour conduire le Maçon à la connaissance du plan du Grand Architecte de l’Univers.
- provoquer par la répétition du rite et la mise en œuvre des symboles, avec le plan du Divin Architecte, la connaissance de soi.
Les règles, les “ Landmarks ” que sont la foi en Dieu, l’observance d’un Code de vie qui témoigne de la noblesse de l’Art Royal nous rappellent notre filiation avec les Maçons opératifs.
Ces Constitutions sont la synthèse de règles antérieures connues sous le nom des Old Charges ou Anciens Devoirs. Il nous est nécessaire, à nous, Maçons garants de la Tradition de connaître ces Old Charges, ces Anciens Devoirs, tel est le but de cet exposé.
Les Old Charges, comme les Constitutions d’Anderson qui servent de référence à la Maçonnerie moderne, sont composés de trois parties:
- l’origine du “Métier”,
- le Serment et les Obligations,
- l’organisation du “Métier” et les règles morales.
Cette structure est calquée sur les règles monastiques du Moyen Age:
- l’Histoire établit la filiation traditionnelle de l’Ordre et sa légitimité, sa régularité dans le temps présent;
- les Obligations contiennent les devoirs qui découlent du Serment que le Maçon a librement prêté;
- le Règlement général et les règles morales mettent en place les principes juridiques et moraux qui permettent le fonctionnement harmonieux de la Confrérie.
Un certain nombres de points nécessitent d'être précisés. Ces points forment les sources de la Franc-Maçonnerie.
Les Old Charges, les Anciens Devoirs sont des textes à caractère réglementaire, légendaire ou historique, sans aperçu explicite sur le rituel ou le symbolisme des opératifs. Ils sont les témoins de la Tradition. Environ 150 manuscrits ont été recensés à ce jour.
Cooke (Villard de Honnecourt n° 6).
C’est le roi David lui-même qui donna les “Constitutions” ou “Charges” aux Maçons :
“... Et la construction du Temple de Salomon que le roi David avait commencée - le roi David aima bien les Maçons et il leur donna des constitutions (Charges) identiques à celles qu’ils ont maintenant. Et au temps de la construction du Temple du Roi Salomon, comme il est dit dans la Bible, au 3e livre des Rois, “Salomon avait 80.000 Maçons à son service; et le fils du roi de Tyr était son Maître Maçon”.
“ ... Et dans d’autres chroniques, comme dans de vieux livres de Maçonnerie, il est dit que Salomon confirma les Constitutions que David son père avait données aux Maçons. Et Salomon lui-même leur apprit (quelles devaient être) leurs coutumes, qui étaient légèrement différentes de celles qui s’observent aujourd’hui”.
Autres chroniques, emprunts :
- au “Polychronicon” - ou l’histoire du monde - écrit en 1350 environ par Ralph Higden (mort en 1364), moine bénédictin de l’abbaye de St. Werburgh (Chester). Cet ouvrage fit autorité jusqu’au XVIe siècle et fut traduit en anglais en 1387 par Jean de Trévise (1326-1402) à l’intention des Barons Berkley, à Comestor (le Maître des Histoires: the master of stories) qui naquit à Troyes au XIIe siècle et vint à Paris, où il s’occupa d’études théologiques. Son “Historia Scholastica” se présente comme une suite de commentaires sur les livres de l’Ancien Testament. Il mourut à Paris entre 1178 et 1189,
- Honorius d’Autun (fin du XIe siècle),
- Isidore de Séville (570-636) “De Imagine Mundi”,
- les Procès-Verbaux des Loges Opératives, dont les plus anciens concernent:
- la Loge anglaise d’Alnwick dans le Northumberland. Elle fonctionnait bien avant 1701, date des premiers procès-verbaux, et est restée en activité, purement opérative, étrangère à la Grande Loge de Londres jusqu’en 1748,
- La Loge écossaise de Mary’s Chapel à Édimbourg qui remonte à 1599.
L’intérêt de l’étude de ces “minutes” est d’essayer de déterminer à quel moment les Loges opératives ont accepté des “spéculatifs”, c’est le problème de l’acceptation.
Àpriori, l’acceptation, c’est-à-dire l’admission dans les Loges opératives de personnes qui n’ont aucun lien avec le métier, est relativement tardive.
Les plus anciennes acceptations signalées sont celles, à la Loge Mary’s Chapel, de Lord Alexander, de son fils cadet, Sir Anthony Alexander, et de Sir Alexander Strachan en juillet 1634. Ils furent reçus compagnons. Ils étaient les amis de John Mylne, Maître Maçon du roi Charles 1er qui faisait partie de la Loge depuis 1633.
La plus connue des acceptations fut celle, à Warrington, d’Elias Ashmole, le 16 octobre 1646.
Ms. REGIUS - 1390 - "Constituciones Artis Gemetriæ Secundum Euclydem"
Les Catéchismes (Rituels) ont été publiés en un volume par Knoop, Jones et Hamer sous le titre “ Early Masonic Catechisms ” (Villard n° 35). 23 textes sont présentés, le plus ancien (1696), l’Edimburgh Register House, le plus moderne (1750), l’Essex Manuscrit.
La divulgation la plus célèbre date de 1730, celle de Samuel Prichard “Masonry Dissected”.
Jusqu’au XVIIIe siècle, le rituel maçonnique affichait un caractère chrétien commençant généralement par une “ Prière d’entrée ” à caractère explicitement trinitaire.
Manuscrit Dumfries n° 4 (Villard n°7)
“Le Tout Puissant Père de Sainteté, la Sagesse du Glorieux Jésus par la grâce du Saint-Esprit, ceux-ci étant trois personnes en une seule divinité, que nous implorons d’être avec nous au commencement (de nos travaux) et de nous donner la grâce pour nous diriger ici-bas en cette vie mortelle vers Lui afin que nous puissions arriver à son royaume qui ne doit jamais avoir de fin”.
Les divulgations donnant une description de la cérémonie d’initiation (au premier degré) de la Maçonnerie, celui d’Apprenti-enregistré, ne sont pas nombreuses et ont généralement été publiées dans les journaux de l’époque.
Les plus célèbres sont :
- L’article du Daily Journal du 15 août 1730 “The Mystery of Free-Masonry”: “Quand j’arrivai à la première porte, un homme armé d’une épée nue me demande si j’étais armé. Je répondis que non. Il me laissa alors pénétrer dans un passage obscur. Là, deux surveillants me prirent par le bras et me conduisirent des ténèbres à la lumière, en passant entre deux rangs de Frères qui se tenaient silencieux. De la partie supérieure de la pièce, le Maître descendit à l’extérieur des rangs et touchant un jeune Frère à l’épaule, il dit : “Qui avons-nous ici ?”
À quoi celui-ci répondit: “Un homme qui désire être admis membre de la Société”. Après quoi, il revint à sa place et me demanda si je venais ici de mon plein gré ou sur la demande ou le désir de quelqu’un d’autre. Je répondis : “Du mien propre”. Il me dit alors que si je voulais devenir un Frère de leur Société, je devrais contracter l’Obligation que l’on fait prêter en cette occasion".
- Celui du “Flying Post or Post Master” de 1723 : “A Mason’s Examination” (Villard n° 8): “Quand un franc-maçon est admis, après avoir donné à tous les membres présents de la fraternité une paire de gants d’homme et de femme ainsi qu’un tablier de cuir, il doit écouter (ici un mot manquant) appartenant à la Société qui lui est lu par le Maître de la Loge. Alors un Surveillant le conduit au Maître et aux Membres (Fellows). A chacun de ceux-ci, il dit: Je voudrais bien être un Compagnon-Maçon, votre Honneur, comme tous peuvent le voir clairement. Après cela, il jure de ne révéler aucun des secrets de la très respectable Fraternité...”
Le mot manquant semble être d’après Herbert Poole, un spécialiste en Maçonnerie : “histoire” ou “charges” ou “constitution”.
Le système bi-grade (apprenti-Fellow). Aucun manuscrit à trois grades avant 1710.
Le premier concernant les trois grades de 1711, six ans avant la fondation de la Grande Loge apparaît dans le manuscrit “Trinity College” de Dublin (Villard n° 7).
Le catéchisme “Questions et réponses” est apparenté aux manuscrits d’Édimbourg (Villard n° 1), de Sloane (Villard n° 7) et le Dumfries (Villard n° 7), mais il contient une narration décrivant les signes et les mots de “maître”, de “compagnon” et d’ “apprenti”.
Le système bi-grade est formellement établi dans quatre manuscrits (tous Écossais) :
- The Edimburgh Register House (1696),
- Le Chetwode Crawley (1700) (Villard n° 2),
- Le manuscrit Kevan (1714),
- Le fragment du manuscrit Haughfoot (1702).
Le manuscrit “Sloane” (1700) précise les différents attouchements et signes qui n’étaient pas apparus avant, ainsi que le serment qui contenait des phrases que nous n’employons aujourd’hui que dans le Rituel du Rite d'Émulation.
Le manuscrit “Dumfries n° 4” (1710) présente un catéchisme à la fois traditionnel et biblique très proche de celui que nous pratiquons, notamment en ce qui concerne la prestation de serment de Maîtres Maçons.
LES ANCIENNES CHARGES
(2ème partie)
Autres documents historiques:
La Traduction Française des "Constitutions d'Anderson"
Les Modifications Anglaises de 1738 et de 1813
Le Manifeste du Convent de Lausanne (1875)
Textes intéressants: